Il semble parfois un peu collet-monté, le Président de la République que se sont dégotté les Français. L’ado ayant eu l’outrecuidance, lors des cérémonies du 18 Juin au Mont-Valérien, de lui donner du « Eh, Manu… », s’en souvient sans doute encore… Faut voir comment Emmanuel Macron te nous l’a recadré sévèrement, le gamin, ambiance: « Petit con, va, dans ta gueule, ma verticalité bienveillante! ». Mais les apparences peuvent parfois être trompeuses. Sous le Chef d’Etat un peu jugulaire-jugulaire se cache un être humain: il rote, il pète, il fait des petites blagues et il aime le foot.
De ses blagounettes on retiendra l’exemple de la dernière en date lorsque, entre deux caresses du pape (donc des cathos, électoralement significatifs) dans le sens du poil, il se prit à parler des Bretons, cette « mafia française » – juxtaposition dont, à tête reposée, on peut se demander lequel des termes est le plus inexact. Cette boutade, dûment enregistrée par des caméras aussi opportunes que foncièrement complaisantes, a déclenché l’ire de certains Bretons. Il faut dire que la sortie du film « Bécassine », qui est un peu notre « Y a bon Banania » à nous, en avait déjà énervé certains. Mais là, c’en était trop, et on a vu des Bretons monter sur leurs grands chevaux, sur un ton qu’on ne retrouve guère que chez des monothéistes criant leur douleur lorsqu’on leur signale que, pour beaucoup, Dieu est une hypothèse aussi audacieuse que celle des bienfaits de la dérégulation financière mondiale. Mais bon, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat, franchement. Et puis il est comme ça, monsieur le Président de la République, il gratifie de temps en temps le peuple de traits un peu grinçants, pourvu qu’ils ne s’exercent qu’à l’encontre d’individus aussi dissemblables de lui-même que possible: illettrés, fainéants, assistés, Comoriens… Bretons, donc – pas de blagounettes sur les sur-diplômés, les banquiers ou les jeunes dirigeants politiques en mal de piscine ou de vaisselle de luxe. Car tel est Son Bon Plaisir. Mais en même temps, ça le révèle dans sa banale humanité.
C’est un autre signe de son humanité qui s’est hier dévoilé aux yeux des électeurs, une autre preuve de son incontournable nature de bipède masculin ordinaire: le foot, non seulement il aime bien, mais en plus, chez lui, ça peut prendre le pas sur tout le reste. Comme le boulot, par exemple. Ainsi a-t’on appris hier que l’annonce de son « plan pauvreté », prévue pour la première quinzaine de Juillet, serait sans doute reportée au mois de Septembre. C’est que, comme l’a déclaré Agnés Buzyn, Ministre de la Santé, sur LCI: « Il faut de la disponibilité. Normalement ce plan devrait être présenté autour du 10 juillet mais nous verrons si l’équipe de France est en demi-finale ou pas ». Déclaration certes modérée par la « communicante » de Jupiter lui-même, Sibeth Ndiaye: « On avait envisagé une annonce en juillet, mais nous avons finalement préféré prendre plus de temps pour affiner et concerter » (Il serait temps d’expliquer à tous ces start-uppers disruptifs qu’on ne « concerte » pas tout seul dans son coin, mais qu’on se concerte avec d’autres – le Premier Ministre nous avait fait la même à propos des Ordonnances sur le Code du Travail, il avait « concerté »… Quand un barbarisme prend des airs de lapsus Freudien…). Bien essayé, Sibeth, mais las, personne n’est dupe: soit l’équipe de France se qualifie pour les demi-finales et le Président s’envole pour la Russie afin d’assister au(x) match(es), donc pas le temps de se faire suer la bite à présenter un « plan », soit elle ne se qualifie pas et ledit « plan » viendrait remuer la tronçonneuse dans la plaie d’un peuple déjà fort marri que ses millionnaires préférés n’aient pas mis assez de ba-balles dans les bu-buts. Car tout porte à croire, par ailleurs, que le dispositif envisagé par le pouvoir pour aider les très pauvres soit proportionnellement moins généreux que celui déployé en début de quinquennat pour aider les très riches. Donc susceptible d’engendrer quelque aigreur… les Français sont si ingrats à l’égard de leurs dirigeants politiques, surtout les pauvres. Ils sont ingrats mais ils seront, n’en doutons pas, une majorité, à faire preuve de compréhension dès lors qu’il s’agit de football. D’un côté, en bruit de fond, les godillots « en marche » argueront que, vu que ça fait trente ans (le RMI de Michel Rocard) que les aides aux plus démunis – un « pognon de dingue » – sont « inefficaces », on n’est pas à deux mois près pour découvrir les solutions forcément innovantes concoctées à l’Elysée. Et de l’autre, nombreux seront les électeurs à admettre qu’il y a des priorités dans la vie, singulièrement le spectacle footballistique national. Et qu’Emmanuel Macron, à ce titre et tout compte fait, est un homme comme tout le monde.
On disait naguère des patrons accessibles qu’ils n’étaient « pas fiers avec l’ouvrier ». Cette humilité, cette humanité, que seuls de mauvais esprits sauraient qualifier de calculées, nous sommes invités à les saluer chez un Macron descendant de son Olympe. Pour balancer des petites vannes et faire le buzz, pour chambouler son agenda de Président et jouer les supporters lambda. Pas fier avec le mortel, Jupiter.
Ciao, belli.
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