Lors de sa campagne électorale, Donald Trump avait dévoilé sa vision de la politique étrangère américaine: elle se devait d’être moins PREVISIBLE, car laisser leurs adversaires potentiels dans l’incertitude sur la façon dont les Etats-Unis sont susceptibles d’agir accroîtrait leur niveau de dissuasion. C’est ce que, du temps de Richard Nixon (1969-1974), on appelait la « stratégie du fou ». A l’époque actuelle, celle de Trump, il conviendrait, pour être tout-à-fait honnête, de plutôt parler de « stratégie du sale gros con », donc ne parlons pas de stratégie, ça vaudra mieux.
L’imprévisibilité en matière d’affaires étrangères, donc. Il est vrai qu’à Moscou, Londres, Berlin, Paris ou Pékin, aucun dirigeant n’est en mesure d’anticiper ce que pourra être la teneur du prochain « tweet » du compte @POTUS… Chaque jour et plusieurs fois par jour, les grands de ce monde s’interrogent: « Qu’est-ce qu’il va bien encore pouvoir nous sortir comme ânerie, l’autre malade? ». Jusqu’où Donald Trump réussira-t’il à pousser le curseur du déconnomètre, telle est, sans doute, la plus grande incertitude qui demeure quant à la diplomatie des Etats-Unis. Car pour le reste…
… Pour le reste, rien, dans les dernières initiatives diplomatiques de la Maison Blanche, qui n’ait pu être anticipé d’une façon ou d’une autre – singulièrement la récente « reconnaissance » de Jérusalem comme capitale d’Israël:
- D’une part Donald Trump n’a en tête, dans tout ce qu’il fait, que sa réélection en 2020. Il entend donc donner des gages à tous ceux qui ont rendu possible son arrivée dans le bureau ovale, notamment son noyau dur d’électeurs qui compte un bon nombre de fondamentalistes chrétiens (80% des 40 millions d’évangéliques ont voté Trump), pour qui l’établissement de l’autorité d’Israël sur l’ensemble de la Palestine est un préalable à la « fin des temps » et donc au retour de Jésus-Christ
- D’autre part les proches du président et ses soutiens de longue date – à commencer par le milliardaire Sheldon Adelson – sont tous sur une ligne pro-israélienne des plus intransigeantes, une ligne qui défend, contre vents et marées (petites brises et vaguelettes, à vrai dire) la politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, quelles qu’en soient les conséquences
Par ailleurs, cette « reconnaissance » et le transfert induit de l’ambassade de Tel-Aviv ne viennent pas de nulle part: le Congrès a voté l’ « Embassy Act » dès Octobre 1995, assorti d’une clause permettant au Président de repousser sa mise en oeuvre tous les six mois. Les sénateurs et représentants américains ont de longue date fabriqué une grenade, Donald Trump s’est contenté de la dégoupiller.

Le Mur des Lamentations, Février 2009
Il y a donc une belle dose d’hypocrisie – au mieux, d’aveuglement – dans les cris d’orfraie poussés par les dirigeants politiques ou les médias un peu partout dans le monde… « Ah, mon Dieu, la première puissance mondiale bafoue le droit international! », « Quel manque de clairvoyance, c’est une énorme boulette! »… Et le pompon: « Cela remet en cause le processus de paix! ». Ah ah, cette dernière, j’en ris encore. Quel processus, quelle paix? Soyons clairs: le seul rôle favorable que les Etats-Unis pourraient jouer dans une résolution du conflit israélo-palestinien serait qu’ils mettent une pression significative sur les dirigeants israéliens afin d’arrêter la colonisation des territoires. Or c’est exactement l’inverse qui se passe, la droite et l’extrême-droite religieuse israéliennes ont officiellement leurs entrées au Département d’Etat. Le chien ne remue pas la queue, c’est la queue qui remue le chien. Depuis la fameuse poignée de mains Arafat-Rabin, symboliquement encadrée par la bienveillante silhouette du président américain, la population dans les colonies s’est accrue de 400 000 personnes. Conférer aux Etats-Unis un rôle d’arbitre dans cette histoire, c’est comme faire surveiller les progrès des Droits de l’Homme en Tchétchénie par Moscou, on avait abordé la question sur ce blog il y a sept ans.
Dès lors on peut ne voir, dans les récentes Trumpitudes, qu’une brutale clarification et non une rupture fondamentale, remarquer que Donald Trump, c’est du concentré de la politique américaine vis-à-vis de la question israélo-palestinienne de ces vingt-cinq dernières années – trempez le dans l’eau, ça vous donnera une moyenne Clinton-Bush-Obama. Et se dire que désormais les choses sont encore plus claires qu’auparavant, l’Amérique soutient les droits des Palestiniens comme la corde, le pendu.
Alors bien sûr on soulignera l’ironie de la situation… Donald Trump s’est fait élire sur la promesse de rendre « sa grandeur » à l’Amérique… En brûlant ses vaisseaux sur la question de Jérusalem, il met la diplomatie de son pays complètement hors-jeu sur la scène proche-orientale. Même la pétro-monarchie saoudienne, pourtant son obligée dans le conflit avec l’Iran (autre Trumpitude, soutenir Riyad dans ses entreprises belliqueuses) ne peut le suivre sur ce coup-là. Au-delà, c’est une bonne partie du monde arabo-musulman, de Djakarta à Rabat, qui désormais vomît la politique américaine: pour la « grandeur », faudra repasser. On pourra également réaliser que, de fait, la première puissance mondiale n’est désormais rien d’autre qu’une théocratie, où les délires eschatologiques de chrétiens fondamentalistes, associés aux prétentions bibliques de juifs ultra-religieux, priment sur toute considération diplomatique.
Mais au final, rien de nouveau sous le soleil. Et rien ne dit qu’il en soit allé différemment, au fond, et y compris sur la question de Jérusalem, si Hillary Clinton avait gagné l’élection de 2016 – la politique étrangère américaine fait partie du problème israélo-palestinien, pas de sa solution. Le fait que la Maison Blanche soit actuellement occupée par un sinistre clown ne fait que jeter une lumière crue sur ce fait incontournable.
Ce qui est nouveau avec Donald Trump, c’est que la dangereuse connerie dont peut faire preuve l’Amérique a désormais un visage. Mais ça aussi, dès la campagne de 2016, c’était prévisible.
Je pense qu’il serait encore plus clair et plus simple de reconnaître la véritable capitale d Israël : Washington.
Totalement d accord avec l analyse de riwal, où une théocratie amène à la guerre, tout en prônant bien sûr la « modération « .
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