Lettre Ouverte aux Mélenchonistes Hardcore

Chers tous,
Il me semble clair que l’idée d’une abstention ou d’un vote blanc au second tour Macron-Le Pen de la présidentielle 2017 a bien fait son chemin dans vos petites têtes. Tandis que chez certains des électeurs de Jean-Luc Mélenchon on sent une hésitation, ambiance “tempête sous un crâne” – taraudés qu’ils sont entre une méfiance bien légitime à l’égard de l’enfant chéri du CAC 40 et du MEDEF réunis et une crainte tout aussi légitime de contribuer à l’élection d’un personnage qu’ils abhorrent – chez vous, non, la décision est prise.
Il est vrai que vous avez bien réfléchi, il ne s’agit pas d’une saute d’humeur ou d’un caprice. Permettez-moi – et dites-moi si je me trompe – de résumer votre raisonnement:
  1. Emmanuel Macron et Marine Le Pen ne sont que les deux faces d’une même médaille, celle de la domination de l’humanité (en l’occurrence, française) par la Finance internationale
  2. Tandis que le premier a vocation à perpétuer cette domination, la seconde sert à la fois d’épouvantail pour lui favoriser l’accès au pouvoir et de voiture-balai pour détourner le vote ouvrier/employé de formations politiques comme la vôtre – amenant sciemment le peuple à se “tromper de colère”, pour reprendre les mots de Léopold Sedar-Senghor,
  3. Par ailleurs, pour vous c’est clair, la causalité ontologique, unique de la montée du Front National, c’est le déploiement de politiques ultra-libérales en France, qu’un Macron ne saurait qu’amplifier: combattre les effets en démultipliant la cause, c’est absurde
  4. Et puis, c’est une affaire entendue: la Finance contrôlant les médias, qui présentent le vote Macron comme une évidence, Marine Le Pen n’a aucune chance d’être élue et sera certainement renvoyée à son rôle de voiture-balai – certitude bien ancrée qui vous préserve du moindre commencement de soupçon de cas de conscience
  5. Last but not least: vous vous êtes déjà fait avoir par Chirac en 2002, une fois, ça suffit
Vous vous détournerez donc de l’effervescence qui ne manquera pas d’accompagner le déroulement du second tour et vous concentrerez sur l’essentiel: bâtir enfin une force politique “à gauche de la gauche”, maintenant que le Parti Socialiste sombre corps et âme – et vous appuyant sur le score enviable de votre champion au premier tour.
On vous objecte, ici et là, que, malgré tout, il n’est pas exclu que Marine Le Pen gagne ce second tour, grâce à un report plus important que prévu des voix de droite. Grâce, aussi, à une abstention massive, dont la vôtre. A quoi vous répondez qu’à cela ne tienne, vous serez très actifs, pour ne pas dire en première ligne, dans la “résistance” au nouveau pouvoir, qu’on peut compter sur vous. Que personne n’a de leçon à vous donner en matière d’anti-fascisme et que, fondamentalement, le FN au pouvoir, ça n’aura pas été de votre faute (cf point 3).
En admettant que ce qui précède n’est pas uniquement le fruit de mon imagination, je dois vous dire mon admiration et, pour ne rien vous cacher, je vous envie: c’est beau, les certitudes, c’est exaltant, les convictions bien arrêtées. Et puis ce détachement, cette indifférence aux petites turbulences: quelle force d’âme!
Alors quel que soit le résultat du 7 Mai, je vous souhaite beaucoup de bonheur, même si c’est inutile. Car dans les deux cas de figure, vous incarnerez une opposition flamboyante, énergique. Vous vous sentirez bien, lors de vos défilés Bastille-Nation ou Nation-République, sur vos blogs, vos pages Facebook, vos tweets.
Evidemment, si Marine Le Pen est au pouvoir, il n’est pas exclu que, à coup de reprise en mains de la Justice, de la Presse, voire de la mise en oeuvre de l’article 16, votre liberté de blâmer la fin du Droit du Sol, l’interdiction de l’avortement, la “préférence nationale” et toute cette sorte de choses, soit très sérieusement remise en cause – voyez Poutine, Erdogan, Orban. Voire que vous soyez recherchés par les flics. Remise en cause de votre liberté qui, admettez-le, n’a aucune chance d’advenir si c’est l’infâme valet de la Finance internationale, Emmanuel Macron, qui remporte cette élection. Les “libertés bourgeoises”, ça s’appelle, comme disent certains d’entre vous.
Mais je ne doute pas que vous en ayez déjà pris votre parti. Dans ce cas vous envisagez sans doute de prendre le maquis, de monter des radios clandestines, tout ça. Et sous votre tente Quechua au fin fond de l’Ardèche, vous vous consolerez en vous répétant cette certitude: de toute façon, au fond du fond, Macron, c’était pareil. Ou pas?
Bien cordialement,
Un social-traître

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